Nordling et Von Choltitz dans "Diplomatie" de Volker Schlöndorff
20 Janvier 2017 , Rédigé par JacquesG Publié dans #Cinéma, #Histoire
J'ai regardé hier soir ce film enregistré sur ARTE (je vide le DD de ma box avant de la changer !). Beau film, avec deux grands acteurs, une histoire prenante et touchante (bien que l'on connaisse la fin par avance), deux personnages qui rivalisent de roublardise, chacun défendant son monde à lui... Sauf que rien de ceci, ou presque rien, n'est vrai. La réalité est autre, ce que ne dit le réalisateur à aucun moment dans le générique : Diplomatie, tirée de la pièce éponyme de Gely, est donc une sorte de supercherie.
On pourra s'en convaincre en parcourant par exemple les différents liens que je donne ici, qui vont tous dans le même sens. Particulièrement autorisés : les contributions de Jacques Privat et de Fabrice Virgili, universitaires.
https://www.google.fr/?gws_rd=ssl#q=von+choltitz
Pour faire bref, voici ce que j'ai retenu du débat, auquel je ne m'étais pas intéressé jusqu'à présent je dois bien le dire.
La rencontre entre Nordling et Von Choltitz, la nuit précédent la capitulation, celle qui est racontée dans le film), n'a pas eu lieu, pas plus que l'escalier dérobé d'ailleurs n'a de réalité. Ce qui est vrai, c'est que les deux hommes se sont vus à plusieurs reprises les jours précédents (VS avait reçu son commandement parisien tout récemment), toujours avec l'aide d'un interprète, le Suédois ne parlant pas allemand et l'Allemand ne parlant pas le français.
Le rôle de Raoul Nordling comme intermédiaire et négociateur a été réel pendant la seconde guerre mondiale, entre les Français et l'occupant allemand, entre Choltitz et les alliés aux portes de Paris, ou pour faire libérer des prisonniers ou des envoyés de De Gaulle. Il faut aussi comprendre que cet homme, Suédois ayant pratiquement toujours vécu en France (il a passé trois ans en Suède pour y apprendre la langue !), était non seulement consul mais avant tout homme d'affaires (Alfa-Laval). Il n'a jamais oublié les intérêts de sa firme et de son pays d'origine. La Suède, par exemple, ne l'a jamais encensé pour son action supposée ou réelle lors de la libération de Paris. Lui-même ne s'étend pas beaucoup sur son rôle dans ses mémoires parues après la guerre mais éditées tout récemment. Un lien ici pour la page que Wikipedia suédois lui consacre.
Le General von Choltitz, Gouverneur de Paris dans les semaines qui ont précédé la libération de Paris, n'a sans doute pas eu besoin du Consul Nordling pour renoncer à détruire Paris. L'ordre de Hitler était d'ailleurs de raser Paris, pas spécialement de s'attaquer à ses monuments. Ordre difficile à réaliser faute d'exécutants et d'explosifs en quantité suffisante. Aucun rapport, après la libération, ne fait état de déminage, ce qui aurait été bien nécessaire s'il y avait eu minage ! Seule des bombes du style V2 auraient pu faire du mal à la capitale française, mais ceci est un autre chapitre.
Von Choltitz, qui n'avait rencontré Hitler que tout récemment, était probablement convaincu que cet homme était fou. D'autre part, son action à Rotterdam et à Sébastopol, qu'il a détruites et dont il a décimé les habitants, ou sur le front de l'Est, a été criminelle : il a activement, ou passivement pour le moins, participé à l'élimination de juifs. Au moment où les alliés se rapprochaient de Paris ou y entraient, il était hautement avantageux pour lui de renoncer à une autre action criminelle et de se donner une image débonnaire : il a effectivement été libéré en 1947 par les Américains, alors qu'il aurait pu très bien, dans le cas contraire, être jugé à Nuremberg pour crime de guerre ou contre l'humanité. Et mieux valait se rendre aux Alliés que de risquer, en cas d'évacuation de Paris, d'être muté sur le front de l'Est ou, pire encore, condamné pour trahison par les dirigeants nazis.
La Sippenhaft, qui condamnait les familles des notables ou généraux traîtres à Hitler, était bien réelle, mais une des sources pense que Von Choltitz avait pris ses précautions pour que sa famille ne soit pas inquiétée. De fait, grâce en grande partie à la débâcle allemande, elle ne l'a pas été. La famille a été réunie et a vécu heureuse à Baden-Baden jusqu'à la mort du Général.
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